Les différentes évolutions ou innovations Marketing tendent depuis les années 80 à impliquer le consommateur dans la création même de l’offre. On a parlé de consom’acteur ou de prosumer. Mais, l’une des trouvailles Marketing qui me paraît intéressante est celle qui consiste à sacraliser les produits du passé, à idéaliser la nostalgie pour vendre au consommateur les choses et les saveurs d’autrefois.
Le rétromarketing fait vendre.

Véritable Marketing de la nostalgie, il ramène le consommateur à sa quête nostalgique de l’authenticité, remettant au goût du jour des produits ou des services d’autrefois. C’est ainsi qu’en 2005 Danone a relancé la marque de biscuits Trois chatons, disparus des commerces il y a vingt ans.

Avec la mondialisation, la fin des grandes utopies voire des grandes idéologies, le retour au passé idéalisé permettrait de créer une nouvelle utopie ancrée dans la proximité à même de faire retrouver le bonheur de vivre ensemble dans un environnement géographique restreint. Est-ce une réponse à la mondialisation anxiogène ?
À la fin des années 90, on estimait que nous étions 54% à être en quête d’authenticité. Ainsi devait naître le rétromarketing comme réponse à nos aspirations. Pour travailler sur des concepts de produits authentiques, les marques misent sur le design souvent inspiré des produits passés (la New Beetle et la Citroën C3 e. g.) et l’ancrage dans le terroir (la marque Reflets de France e. g.). Ce retour à l’authenticité ne s’arrête pas seulement au produit ; il signifie aussi que le distributeur ou le commerçant soit lui-même perçu comme quelq’un d’authentique : on l’apprécie plus pour son savoir-faire et sa vocation que pour son discours marchand.

Avec le rétromarketing, les marketeurs redonnent des racines aux produits qui sont des repères pour le consommateur (Banania e. g.). L’innovation consiste, en fait, à partir du passé réel ou construit pour rassurer et séduire le consommateur. Ce qui fait que le rétromarketing donne l’impression d’aller à l’opposé du village global fait d’incertitudes, de crises identitaires, de pertes de repères liées à un individualisme exacerbé. Il tend même à recréer une communauté de consommateurs qui reviennent aux valeurs éternelles ou essentielles (savoir-faire, tradition, bonheur de l’enfance idéalisé). En consommant des produits inspirés du passé, ces consommateurs régressent  en se remémorant les moments agréables de leur passé. C’est ce que les Anglo-saxons appellent le nesting, l’équilibre entre le besoin de sécurité et d’ouverture vers l’extérieur.

La conséquence majeure du rétromarketing, qui fait de la tradition et de l’authencité un culte, est le retour en force des marques locales qui s’opposent aux marques globales. Le rôle de la publicité est alors d’inscrire la marque dans un héritage qui se transmet comme on transmet un savoir-faire, une tradition (les bonbons Werther’s Original e. g.). Cela cautionne le produit et rassure du même coup le consommateur. C’est pour cela d’ailleurs que la publicité joue souvent sur les valeurs issues de notre patrimoine culturel (la confiture Bonne Maman e. g.).

En nous incitant à retrouver les saveurs de notre enfance, les petits bonheurs quotidiens passés qui souvent n’ont jamais existé, le rétromarketing nous fait des remakes de la madeleine de Proust à toutes les sauces. Et nous régressons, et nous régressons souvent avec bonheur. Mais la newstalgia ou l’art du rétro appliqué aux marques ne nous rend-il pas rétrogrades ?

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5 commentaires

  1. Très bon article !
    Mais l’interogation demeure…
    Les marketeur(x) ont bien su capter ce besoin de retour aux "vraies valeurs" (source), il y a une vraie demande, une nécessité de s’accrocher à des garde-fous "authentiques" dans une société du paraître où les "valeurs d’autrefois" sont mises à mal et remplacées (imposées) par de nouvelles qui ne sont pas encore réellement ancrées, acceptées mais utilisées.
    Environnement de plus en plus anxiogène ? Individualisme exacerbé… Oui mais la réponse reste très d’actualité. Le terme est utilisé : créer une "nouvelle" communauté autour des valeurs essentielles, une communauté qui n’aurait pas perdu son âme dans l’avancée (modernisation) spectaculaire de notre société à tout point de vue. C’est un peu lutter contre cette uniformisation en créant, croît-on, une communauté opposée qui ne se laisse pas se perdre dans un mouvement collectif qui tendrait à rejeter le passé "ringard" pour un avenir plus "moderne".
    On pourrait alors penser qu’il y a un rejet de notre nouvelle société, d’où ce désir "rétrograde" et qui fonctionne !

    "C’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes"

    Oui mais…
    Est-ce uniquement un rejet, un désir de retour aux "vraies valeurs" etc. ?
    "Nous regressons avec bonheur"
    Et on en redemande ! ;o)
    C’est plutôt un désir d’enfance perdue, où le fantasme de l’enfance innocente, insouciante et heureuse prend le pas sur une réalité qui est souvent tout autre. "Qui souvent n’ont jamais existé"
    "Ah ! De mon temps ma bonne Dame…" Cette expression que l’on utilise à outrance et sur un mode ironique a pourtant toujours été d’actualité.
    Deux pas en avant, un pas en arrière.
    Le Marketing visera en premier lieu le "renouveau" pour ensuite tomber dans le "retromarketing". Tout ce qui est nouveau interpelle. Pour y donner un nouvel élan, on l’habille de nostalgie. Et ce de manière général. Tout ce qui est saveur d’autrefois, patrimoine qui représente une identité propre à notre culture et donc global fonctionnera très bien.
    En matière d’évolution technique et technologique, l’habillage, la confrontation au passé en ne retenant que les aspects positifs qui ont valu au produit son succès, en y ajoutant la pointe de modernité qui le rendra "mieux" sans casser l’image de l’ancien produit. Le consommateur fera lui même le lien, c’était très bien, ils ressortent le produit mais avec ses défauts en moins, défauts auxquels il ne pensait plus.
    Du nouveau avec de l’ancien, surtout sans casser l’image de celui-ci, pour préserver notre "fantasme d’idéal". Avant c’était mieux, plus facile – à garder dans nos esprits pour pouvoir avancer (paradoxe) dans le monde d’aujourd’hui. Un mieux est donc encore possible, même s’il s’agit en apparence d’un retour en arrière, mais bénéficiant des avantages d’aujourd’hui.

    Suis bavarde aujourd’hui…

    1. Une belle envolée lyrique !
      Savoir d’où l’on vient pour ne pas avoir peur d’aller vers l’inconnu dans une société souvent inquiétante. Est-ce par pessimisme, par manque de repères que nombre de consommateurs recherchent à la fois la sécurité du cocooning et en même temps exprime une volonté de s’ouvrir à son environnement ? Mais, il ne faut pas oublier, Isabelle, que  l’objectif est de vendre et vendre toujours plus…  C’est sociologiquement très intéressant !


      Restons zen !
      Jef

  2. … certes que "l’objectif est de vendre et vendre toujours plus" mais ça c’est l’objectif du marketing en général, pas du "retro" en particulier 🙂

    Qu’il soir retro, futuro, viral, environnemental etc… le marketing ne fait que "capter des tendances" qui s’expriment d’abord au-delà de sa sphère : mode, style de vie, restauration, décoration ou encore design automobile pour ne citer que quelques-uns de ces domaines très éloignés.

    1. C’est juste. Mais, il ne faut pas oublier que le Marketing est aussi créateur et retardateur de tendances… 


      Reste zen !
      Jef

  3. Tout à fait… "créateur", une réalité pour une petite poignée d’entreprises réellement influentes, mais plutôt "récupérateur" pour la grande majorité des autres. Dans ma liste plus haut j’en ai oublié plein mais pour le plaisir je citerai le cinéma… où la mode rétro est dans l’air du temps depuis un moment !

     ["Du calme à la vie comme à la scène, Sans amour et sans haine."]

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